Hlysnan: The notion and Politics of listening.  Au Casino Luxembourg, c’est l’écoute qui fait l’oeuvre.

John Menick, "Subliminal Projection Company".

En attendant l’expo solo Lost in Time de l’artiste canadien Patrick Bernatchez prévue fin septembre, nous pouvons encore visiter jusqu’au 7 septembre, Hlysnan : The notion and Politics of listening, l’expo collective consacrée aux pratiques exploratoires dans le domaine du son. Une vingtaine d’artistes y figurent.

Contre vents et marées le Casino Luxembourg reste fidèle à l’esprit de plateforme et de laboratoire qu’il s’est fixé depuis ses débuts en 1996. C’est encore le cas avec cette expo dédiée au son.  Pour les deux commissaires, Berit Fischer et Kevin Muhlen, le message est clair. Il ne s’agit pas de séduire mais de sensibiliser notre intellect à l’écoute. Capter notre attention par l’écoute, un jeu à risques si l’intention de l’artiste n’est pas secondée par une technologie à la hauteur du propos. En nous proposant de faire fonctionner nos sens différemment, cette visite aura le mérite de nous affranchir du sempiternel rapport à l’œuvre de type classique. À l’heure où, grâce à Layar,  logiciel gratuit sur le net, la réalité augmentée s’infiltre un peu plus dans nos vies, comment les artistes vivent-ils cette révolution ? C’est également une des questions posées dans cette exposition.

La thématique des commissaires est de cibler le politique. Au rez-de-chaussée, le parcours débute par la salle des drones de Susan Schuppli. L’artiste meuble une grande salle vide d’un environnement sonore qui dérange. Comme unique référent visuel, une photo nous montre Obama scrutant fixement une mouche venant le perturber lors d’un speech officiel. La connexion entre cette image et l’intensité parasite du fond sonore n’est pas innocente. Elle renvoie directement le visiteur à l’actualité : Pakistan, bande de Gaza… Si l’image nous distrait, le son, lui, nous rapproche du stress des populations qui subissent sans relâche ces attaques auditives. Dans une salle proche  l’audio vidéo de Kader Attia, (on se souvient de son installation fort remarquée sur les gueules cassées à la Documenta)  nous fait découvrir les facultés mimétiques de l’oiseau lyre.  Un oiseau d’origine australienne dont la spécificité est d’imiter à la perfection les sons de son environnement. Dans la cartographie sonore du volatile les sons naturels de la forêt tropicale sont enrichis aujourd’hui par les sons artificiels des scies sauteuses. Dans une belle inconscience, on s’en doute, ces nouveaux sons émis sont en fait les signes précurseurs de l’arrêt de mort de son espèce. L’humour et le drame ici s’entremêlent. Politique encore, l’installation sonore d’Emeka Ogboh. Dans la pénombre, posée sur un socle une radio locale des années ’60 surmontée de deux petits drapeaux aux couleurs de l’Angleterre et du Nigeria. L’environnement sonore nous distille sous forme de collage un archivage des discours utopistes prononcés lors de la déclaration d’indépendance en 1960.

Une succession d’installations sonores qui nous interrogent, nous surprennent et parfois aussi nous laisse perplexe comme celle d’Angie Atmadjaja. L’artiste d’origine indienne nous plonge avec son installation immersive: un cube où des néons diffusent une lumière aveuglante. Seule indication de positionnement dans ce jeu de piste aux fort accents de dénivellations, une fine ligne d’horizon à même le mur. Sur fond de perte d’orientation, l’espace traversé par une onde sonore, devient un jeu de piste à explorer. Probablement l’installation la plus ludique mais la plus fragile au niveau des paramètres à respecter.

Intéressant à découvrir chez soi, “radio aporee.org” l’installation d’Udo Nolls. Avec la complicité d’un collectif d’internautes, l’artiste cartographie avec l’aide de google map des moments sonores glanés ci et la dans la vie quotidienne. Une réalité augmentée confrontant le monde de l’image et du son qui nous plonge au coeur du débat entre monde réel et virtuel.

Marco Godinho poursuit également cette dynamique d’archivages sonores en nous proposant sa collection de sons: l’artiste exploite par l’écoute ses moments d’attentes. Une façon particulière de faire vivre les entre deux temporels. Ces instants fugitifs qui ne s’inscrivent nulle part et qui nous permettent  de sortir du cadre.

L’intention politique et conceptuelle de certaines pièces proposées est parfois contrebalancée par l’intrusion du poétique. C’est le cas avec l’intervention minimaliste de Yoko Ono : un simple téléphone blanc fixé au mur. Sa sonnerie ne se fera entendre que dans de très rares moments.  Dans le cas d’un appel, l’artiste nous invite à décrocher et à partager une discussion avec elle. Comme souvent dans ce genre d’expos, le visiteur a intérêt à consulter le guide explicatif. Si celui-ci fait défaut, des médiateurs sont la pour vous guider dans le parcours (merci à Sandra qui nous a guidé dans ce parcours…)

Si vous voulez connaître la voix de Sandra et les sons de l’expo, retrouvez ici la vidéo de notre visite en sa compagnie.

Pour étoffer le discours théorique autour de cette exposition, un catalogue comprenant plusieurs textes inédits d’artistes est également disponible.

Lino Polegato

> 7.9.2014
Casino de Luxembourg

A découvrir également jusqu’au 9, le projet Walk in Beauty de Béatrice Balcou qui s’est intéressée plus particulièrement au temps consacré à la contemplation d’une oeuvre d’art.

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